Si l'on tente une
mise en perspective de l'art au XXe siècle, deux traits saillants
ressortent: la remise en cause de la notion traditionnelle d'auteur
et celle de chef d'oeuvre, que l'historien de l'art et théoricien
Harold Rosenberg a nommé la dé-définition
de l'art, impliquant une redéfinition du territoire de l'art.
L’art
a toujours été en avance sur son temps et a toujours intégré
les nouvelles technologies, mais le média Internet a ceci de
plus qu’il remet totalement en cause le rôle de l’artiste
dans sa dimension de créateur et dans son rapport avec l’œuvre
et son public.
On peut distinguer deux voies au niveau des artistes pour l’utilisation
des TIC :
• Ceux qui vont utiliser le cyberespace pour l’obtention
de nouvelles composantes plastiques.
• Ceux qui vont plus utiliser l’aspect communicationnel
du réseau.
La plupart du temps, les artistes mélangent ces deux composantes
pour créer un nouvel art plus complet et qui utilise les pleines
possibilités du net.
1. Internet intégré dans
l'art : l'appropriation des outils.
"Chaque
nouveau média n'est que matérialisation des rêves
de la génération précédente."
Vuk Cosic.
L’Internet
a changé beaucoup de choses au niveau de la création et
du rapport de l'artiste à l'oeuvre depuis les années 90.
Le net a influencé l’inspiration de l’artiste au
point que l’on pourrait se demander si l’art en réseau
n’est pas en train de devenir un art à part entière
puisqu’il bouleverse les schémas classiques de description
et d’action de l’artiste. Les nouvelles technologies de
l'image constituent un champ d'expérience et d'observation pour
la création contemporaine, en revisitant les formes antérieures
de l représentation.
Finis
les pinceaux et la gouache… voici la souris !
"Mais où
commence aujourd'hui et quand finira hier ?"...
(Artmedia)
L’art
en réseau est un nouveau mode de création artistique qui
demande aux artistes de lier leurs compétences artistiques avec
de nouvelles compétences techniques. Le cyberartiste doit avoir
en quelque sorte une double compétence : laisser parler son imagination
et sa créativité tout en la conciliant avec les impératifs
de la technique informatique et multimédia.
Les possibilités induites par les nouvelles technologies sont
assez conséquentes et il faut que l’artiste sache maîtriser
l’outil au moins dans ses fonctions basiques pour arriver à
mettre en pratique ses idées. Ces nouvelles possibilités
bouleversent les repères de création de l’artiste
qui peut dorénavant ajouter de nouvelles dimensions à
ses œuvres : mouvement, interactivité, multimédia.
Le bouleversement se fait donc au niveau de l’œuvre elle-même
comme nous le verrons plus loin, mais bel et bien au niveau de l’artiste
et de la source de l’œuvre d’art : l’inspiration…


Eduardo KAC.
Oeuvre sur le minitel brésilien (détail). 1985-86.
Au
niveau des sites web.
La maîtrise
des technologies liées au réseau des réseaux demande
naturellement une maîtrise minimum et nombre d’artistes
se sont lancés dans cet apprentissage avec bonheur, conscients
de la plus value que ce savoir pourrait leur apporter.
Les cyberartistes ont, pour la plupart appris « sur le tas »,
avec des amis ou avec des livres ou autres sites internet. Il convient
de noter que certains en ont fait leur métier : en effet, il
est difficile de vivre de la création (cf interview de Christophe
DESGOUTTES sur le présent site) et les artistes ont souvent un
métier « en plus » qui leur permet d’assurer
sur le plan financier tout en conjuguant leur passion et leur nécessité.
Les entreprises et administrations sont de gros employeurs de «
cyberartistes-webmasters » pour créer des sites à
la fois originaux et fonctionnels.
La technologie de créations de sites web et d’adéquation
entre l’inspiration et la réalité du net a néanmoins
des limites que nous approfondiront dans la 3e partie (Mythes et réalités
de l’art en réseau), notamment au niveau du traitement
des images : compression etc.
La création artistique se rapproche finalement ici de la science
et les parcours des artistes rapprochent art et science, inspiration
et rationalité, à l’image du parcours de l’artiste
Maurice BENAYOUN…
Mais si ces nouveaux outils mènent incontestablement à
maîtriser des aspects plus techniques du réseau, le rôle
de l'artiste n'est cependant pas de rivaliser avec l'Homme de sciences
et ses techniques. Son propos consiste plutôt à utiliser,
voire à détourner, les nouveaux instruments de connaissance
et d'action pour tenter d'élargir les horizons de notre perception,
de notre sensibilité, de notre conscience, afin d'en renouveler
nos codes, nos modèles, notre façon de voir, de sentir
de comprendre, de communiquer et ... de créer de nouveaux symboles
et langages.
+
= cyber@rt
2. Art et communication : bouleversement
du statut classique de l'artiste.
La
« génération terrain » ! :
Les artistes
utilisent de plus en plus les outils communicationnels de l’Internet
pour communiquer avec leur public. Loin des musées ou l’œuvre
était exposée sans que l’on puisse rencontrer son
auteur, le net permet un réel dialogue et est un formidable vecteur
pédagogique dans le domaine de l’art.
Les artistes utilisent de plus en plus souvent le mail, les forums et
autres chat en ligne pour communiquer avec ceux qui veulent leur poser
des questions, leur demander des conseils ou leur faire des remarques.
Ainsi, les liens entre l’artiste et le spectateur sont modifiés,
l’artiste démystifié diront certains…
Ces contacts avec le spectateur ont des incidences parfois directes
sur la création artistique : certains artistes n’hésitent
pas à montrer leur travail en direct par le biais de web cams
et le public peut donner son avis sur l’évolution de l’œuvre
en temps réel. Les interactions spectateur-artiste ont donc pour
conséquences de changer le résultat final et de faire
une œuvre toute autre que celle que l’artiste avait n tête
au départ. Bien, sûr, l’artiste peut garder son indépendance,
mais quand il accepte de participer à de telles expériences,
il est en général pleinement partie prenante de ce jeu
interactionnel.
C’est ainsi, et nous le verrons dans la deuxième partie
sur le spectateur, que d’anciens spectateurs peuvent aspirer à
devenir eux-mêmes des artistes en ayant pris des leçons,
des conseils auprès des pionniers de l’art en réseau…
L'artiste
entraîne le spectateur dans son monde...
Les nouvelles
technologies et en particulier le multimédia permettent à
l'artiste de jouer sur différents tableaux. L'artiste mélange
le scientifique et l'artistique, mais également les différents
médias : Internet, cinéma, téléphone, son,
image... L'artiste ne se contente pas d'utiliser ces médias séparément,
il les organise en systèmes de dispositifs dont le but est d'interagir
avec l'esprit du spectateur.
En proposant des systèmes de communication comme oeuvres à
saisir dans leurs fonctions et leurs mouvements, l'artiste prétend
tout simplement modifier nos habitudes de perception, prétend
agir sur nos comportements perceptifs.
A la notion d'objets artistiques figés se substitue la notion
d'interactivité, de mouvement et d'action à distance..
Finalement, la notion d'interactivité va plus loin que l'interactivité
du spectateur sur l'oeuvre, l'artiste agit maintenant directement sur
le mental du spectateur. Les liens à l'intérieur de ce
couple ne sont plus seulement matériels (e-mail, chat), mais
sont plus implicites.
3.
Nouveaux liens entre artistes.
Au-delà
de la modification des inspirations et du lien qu’entretient l’artiste
avec son public, le net a créé une petite révolution
au sein de la communauté cyber artistique…
Le milieu de l’art étant, en général, un
milieu très communicant, l’Internet n’a fait qu’amplifier
ce fait. De nombreuses communautés d’artistes se sont formées
sur le web pour échanger des idées, des influences, défendre
des causes qui leur tiennent à cœur, ou plus simplement
avoir une meilleure visibilité sur la toile. (exemple de Zanzibart
.com).
Nous pourrions également prendre ici l'exemple d'API (interface
de programmation d'application), fondée en 1997 par Ludovic Burel.
Cette expérience consiste en une organisation internationale
destinée à la promotion et au développement interdisciplinaire
de l'informatique. Cette démarche emprunte à la logique
Unix quelques unes de ses hypothèses comme la très connue
démarche "open source" des partages de fichiers, une
mise en réseau gratuite des données pour une économie
parallèle à venir.
Le site Téléférique est également un bon
exemple (www.teleferique.org).
Ce site pousse à s'interroger sur la mise en valeur des oeuvres
dans un contexte différent de celui d'un accrochage traditionnel.
Teleferique est également un site de téléchargement
dont le contenu est en perpétuelle évolution. "L'exposition
devient ici le lieu d'un rendez-vous" comme l'explique l'un des
concepteurs du site, Etienne Cliquet.
Interview
de Christophe DESGOUTTES, cyberartiste.
Point
précis : le cyber art est-il rentable ?