1.. les mythes
Mythe 1 : L’Art et les NTIC sont incompatibles
:
Les gens résistent au changement pas l’art !
Toutes les formes d’art ont connu une résistance
à leur origine et les artistes affrontent en réalité
des problèmes qui ne sont que traditionnels. Quelle que
soit la forme d’expression ou les médias et techniques
utilisés, l’art s’impose. Il est ou n’est
pas, indifféremment du moyen d’expression. Il crée,
génère une émotion, il interpelle, il s’impose.
Telle la poésie, elle peut être ou ne pas être,
et ce indifféremment des pieds et des vers car elle s’est
libérée des contraintes imposées à
l’origine. Paul Eluard, Jacques Prévert sont poètes.
L’art est une forme d’expression, d’écriture
qui provoque une émotion, c’est un langage difficilement
accessible par tous. L’Art est dans tout mais il faut le
voir et la sensibilité ne doit pas être bloquée
par les préjugés quant à la forme de l’expression
elle-même. L’art est dans le réseau et il faudra
sans doute le même temps qu’il a fallu pour découvrir
Van Gogh pour le percevoir.

Fred
FOREST. "le centre du monde". Installation interactive.
Espace Pierre Cardin, Paris 1998.
Mythe
2 : L’Art technologique = rupture artistique
« Ce serait une erreur grossière que de vouloir situer
l’art des nouvelles technologies en lui assignant une place
dans la continuité historique des mouvements artistiques
en filiation avec l’art contemporain. Nous devons faire
face en art comme dans les sciences à une véritable
rupture épistémologique. » la déclaration
de Fred Forester le place dans un courant à position puriste
et radicale qui revendique un jugement intrinsèque au réseau,
sans lien avec le passé ou avec des œuvres sur d’autres
supports. Comme la photographie, qui s’est affirmée
comme moyen d’expression artistique, le réseau va
s’affirmer dans le domaine de l’art, en tant qu’art,
l’art du réseau. Telle la photographie à ses
débuts, l’art des nouvelles technologies remet en
cause toute les idées acquises sur la représentation,
et nécessitent l’application de critères de
lecture qui lui sont propres, et divergent de ceux des productions
artistiques plus classiques. Ce concept n’est pas en soi
novateur. En effet, l’art ne bouscule-t-il pas les expectations,
ne suscite-il pas une interrogation, n’est-ce pas en partie
son rôle, le propre de l’art ?
Le paradoxe de l’art est de se retrouver dans la continuité
alors qu’une volonté implicite de rompre avec le
passé est indéniable et accentuée à
l’époque contemporaine.
Finalement, les ready-made de Man Ray, n’étaient-ils
pas une dénonciation, une contestation, une volonté
de se libérer des préjugés classiques et
de la définition même de l’art ?

Mythe 3 : L’art du réseau n’a
pas d’auteur..
Existe-t-il un auteur pour l’art du réseau ?
La notion d’auteur pour certains ne serait pas compatible
nécessairement avec art interactif..
L’auteur est la personne qui créé matériellement
l’œuvre et un des mythes entretenu est celui que l’art
technologique n’a pas d’auteur.
Peut on considérer l’auteur d’une oeuvre interactive,
qui demande et n’existe que par la participation active
du public, comme auteur a part entière ? ou au contraire,
faut-il estimer qu’il n’est seulement coauteur ? Existe-il
un auteur pour une œuvre, un projet dont l’aboutissement
s’avère finalement le résultat d’une
équipe toute entière ?
Gilbert and George, une œuvre reconnue, deux auteurs. Si
le principe d’une œuvre réalisée par
deux personnes est accepté, le problème du concept
de l’œuvre interactive ne se pose plus. Qu’en
est-il des découvertes scientifiques. Pierre et Marie Curie,
et de nombreux prix Nobel postérieurs ont partagé
le mérite de leurs découvertes.
Finalement, Janet Murray nous rappelle que l’auteur «
classique », le génie errant seul, l’écrivain-
héros célébré par les poètes
romantiques n’existe pas ou de tout évidence n’a
pas le monopole de la littérature. Shakespeare appartient
à cette catégorie d’auteurs dans la conscience
publique et pourtant elle nous rappelle qu’il n’écrivait
pas des œuvres mais des pièces de théâtres
et qu’il passait la majeure partie de son temps en groupe
à improviser et adapter avec son entourage. Ses personnages
évoluaient en fonction des acteurs. La Commedia dell’arte
était conçue comme une création collective.
Il est incohérent de ne pas appliquer la même ouverture
d’esprit pour l’art. Quand pour certains, les toiles
collectives sont remises en question, c’est indéniablement
que le scepticisme prime au détriment de l’œuvre.
Quand à la pertinence du concept d’auteur pour l’avenir
de l’Art, au législateur de légiférer.
Mythe
4 : La « Mona Lisa » du 21éme siècle
sera crée par Windows XP5098652…
La nouvelle génération d’artistes serait donc
celle des programmeurs.
Un logiciel d’analyse des mots et de grammaire peut aisément
« écrire de la poésie » ; une photographie
modifiée grâce aux technologies devient une autre,
une nouvelle création en soi. De même pour l’art
du réseau, l’expression de l’homme à
l’origine est altérée par l’intervention
des logiciels et des techniques pour de nouveau se libérer
et devenir une création en soi.
On n’a plu besoin d’artistes, l’ordinateur fait
tout ! L’artiste est périmé ! Vive le software
!
L’effet des technologies est de repousser les limites du
possible, sachant que les technologies ont elles-même leurs
limites : les limites technologiques, eh, oui, elles existent
!
« Les techniques artistiques traditionnelles, grâce
à des programmes plus complexes qui permettent un travail
infiniment plus riche avec une combinatoire plus rapide. Sur le
réseau cette situation a pour résultat d’induire
à de nouvelles esthétiques, ainsi qu’à
la création d’architectures formelles originales
tenant compte des impératifs de création et de navigation
inhérents au médium." Mais il faut savoir qu’il
y a des limites technologiques, l’activité créatrice
n’en est pas moins conditionnée par les lois du logiciel..
!! « Il est évident que les réseaux actuels
ne sont pas encore technologiquement à la hauteur des productions,
mais j’anticipe quelque peu… » (Reynald Drouhin
in Technikart n°24, P88) …« j’espère
que la navigation numérique sera plus physique, sensuelle,
tridimensionnelle. » (Laurie Anderson cyberartiste)
On compte sur la technologie pour faire avancer l’expérimentation
artistique, mais la créativité, les idées
proviennent des hommes.

JODI - "deep ascii".
Capture d'écran.
2 …ses réalités
et quelques certitudes :
Une
réalité que trop souvent ont refuse de voir :
« Des hommes parleront à des hommes qui ne les entendront
pas ; leurs yeux seront ouverts et ils ne verront pas, on leur
parlera sans qu’ils répondent ; on implorera le pardon
d’un qui a des oreilles et n’entend point ; on offrira
des lumières à un aveugle et, avec de grandes clameurs,
on invoquera le sourd. » « les Prophéties »
dans les Carnets de Léonard de Vinci
Voici quelques une des peu nombreuses réalités de
l’art technologique !
L’art
technologique nécessite une évolution des mentalités
L’art technologique induit des adaptations radicales nécessaires,
un véritable bouleversement des mentalités, une
véritable ouverture d’esprit: « la modernité,
c’est tout ce qui nous déprend des forces archaïques
». B.H.Lévy
L’introduction des NTIC dans le domaine de l’art induit
à une re-lecture du monde en vue du changement de notre
rapport à ce monde en émergence. Ces « forces
archaïques » sont le parti pris des choses, l’attachement
à sa jeunesse et le lien avec son acculturation et ses
habitudes dans lesquelles se complaisent les hommes. Tout cela
se trouve profondément modifié. Notre habitude d’un
art qui se dévoile, le spectacle de l’actualité
immédiate, et finalement la course à la consommation!
« Notre attachement intime à l’œuvre d’art
comme objet, à sa possession, voire au fétichisme
dont il s’accompagne, peut même devenir un motif de
frustration. »( Forest) En effet, dans Hamlet and the Hollowdeck,
il est question dans de « violated expectations »
(expectations violées). Finalement, pour tout les hommes,
le changement est difficile, on lui résiste car l’effort
demandé pour s’adapter à un nouvel environnement
est toujours considérable. En effet, comme Fred Forester
l’a dit : « Cette faculté d’adaptation
demande une plasticité d’esprit qui exige de voir
et de penser le monde comme s’il est chaque jour…
nouveau ! »
La réalité c’est que si l’on n’aime
pas le changement, on s’y accoutume bien tout de même
en cas de nécessité, mais parfois avec trop de retard.
Les mentalités, c’est comme les habitudes, on peut
s’adapter à tout. Il aura fallu de l’audace
a Galillé pour affirmer la priorité de la science
sur la théologie si peu d temps après la condamnation
au bûcher de Giordano Bruno, mais en effet aujourd’hui
enjeux aujourd’hui sont moindres ! C’en est un parmi
tant d’autres… Shneiderman fait référence
aux travaux de Da Vinci, et son avant-garde, mais nous fait surtout
prendre conscience que si on avait eu conscience des travaux de
Leonard de Vinci comme un historien de medecine le dit (Nuland
2000), « had he produced the anatomical textbook which he
had planned… the progress of anatomy and physiologie would
have been advanced by centuries. » Conclusion approprié
de Shneiderman : « What a loss for medecine ».
Finalement sont responsable de ces affaires les mentalités
toujours si longues à admettre les idées nouvelles.
D’après R. Barthes : « Seul le Nouveau ébranle
la conscience », en effet l’art technologique ébranle
les consciences et bouleverse les esprit. Il faut maintenant que
les critiques soient constructives.
L’humanisme
des NTIC -La valeur de l’homme au centre des nouvelles technologies.
« Unlike machines, human minds can create ideas. We need
ideas to guide us to progress, as well as tools to implement them…computers
don’t contain « brains » any more than stereos
contain musical instruments…Machines only manipulate numbers
; people connect them to meaning.» (Arno Penzias- Ideas
and Information (1989))
La créativité est humaine.. « no computer
could or should be brought into the creative process » but
technology has always been part of the créative process,
whether in Leonardo’s paint and canves or Pasteur’s
microscopes beakers ».
Les êtres humains sont enrichis par leurs outils et leurs
structures sociales… a travers l’histoire, ceux qui
ont utilisé des technologies efficaces ont excellé.
Par analogie a certains propos de Guy Sorman (écrivain),
la cyberart pourrait désigner « un univers à
la fois technique et spirituel où l’ordinateur devient
un prolongement de la personnalité humaine, une sorte d’accélérateur
de nos capacités psychiques. »
Des
Obstacles réels à surmonter :
L’art numérique à plusieurs obstacles à
surmonter,
*Si l’art numérique à tant de mal à
percer, cela peut s’expliquer par la difficulté d’exploitation
qui amoindrissent considérablement l’accès
des utilisateurs potentiels.
L’absence de visibilité publique (curating problemes)
des créations artistiques du réseau
Get it out there.. dissémination : problèmes d’archivage.
Beaucoup d’œuvres sont évolutives, beaucoup
sont temporaires, ce qui soulève, comme dans d’autres
domaines de la création artistique, des questions de trace
documentaire et d’analyse historique.
*Les difficultés techniques d’exploitation réduisent
considérablement l’accès des utilisateurs
potentiels.
*L’absence de visibilité publique des actions artistiques
du réseau les plus créatives.
(Cf.Leonardo..)
*De plus, les données numérisées n’ont
pas d’original, elles sont reproductible à l’infini
par le biais du « copier-coller», (spécifique
au numérique). ceci ne fait que complexifier le rôle
du droit et de son application. La notion d’authenticité
étant remise en cause non plus seulement théoriquement
mais aussi par la simplicité de détourner l’
œuvre. (Female extension, Cornelia Solfrank. www.rtmark.com.
Et
finalement, comment différencier l’art du non art
?
« When you’re working with a cold medium dominated
by dot-coms and commerce, how do you convince the technophobic
art world that your oeuvre is more than a fancy home page ? »
parfois les limites entre art et non art sont très ténue,
comme le montre la création des WWW Art Awards (www.easylife.org/award)
attribués « aux pages Web qui ont été
crées non en tant qu’oeuvres d’art mais qui
nous procurent un réel sentiment artistique ». (déclaration
de l’artiste sur son site à propos des WWW Art Awards).
D’après Maurice Benayoun, « Le risque, c’est
que l’art n’utilise pas la technologie mais devienne
un art technologique. »…
Art, pas art ? La question est dépassée. Les réponses
ont été apportées par le 20ième siècle,
avec d’abord les collages de Picasso et Braque, en intégrant
de la réalité, du vulgaire papier journal, qui ne
leur appartenait pas, puis avec le Dadaïsme et notamment,
la Pipe de Magritte (Ceci n’est pas une Pipe) et à
son paroxysme, avec Warhol et ses « Campbell soups »
et boites « Brillo » . La remise en cause de l’art
au sens traditionnel du terme n’a pas tué l’art
mais l’a fait évolué. Si l’art traditionnel
à su surmonter ça, pourquoi le problème se
poserait-il pour l’art technologique ? L’œil
et les esprits se sont ouverts au risque de se perdre mais l’aventure
en vaut la peine et le risque.
Une réalité nouvelle : le
«copyleft »
Les Enjeux légaux sont obsolétes, l’ antagonisme
qui se retrouve dans la dichotomie : « copyrights »
/ « copyleft » semble anachronique avec d’un
coté, les tenants du « copyright » qui cherchent
à définir une économie de l’art sur
le Net (maintient du Statut Quo, résistance à de
nouvelles réalités !), et les défenseurs
du « copyleft », de l’autre- qui tentent de
déconstruire la notion d’auteur (Licence d’art
libre,
www.artlibre.org/news/).

Les panégyristes du « Copyleft » tentent de
transcender le concept du droit d’auteur en proposant des
approches de la création débordant du cadre classique
de droit d’auteur. Pour Antoine Moreau, partisan de ce concept
du « Copyleft », il s’agit non seulement de
s’opposer au concept de « copyright » (dont
la pérennité est assuré par la bienveillance
des sociétés d’auteurs et qui perd de sa pertinence
à vue d’oeil) mais plus encore, d’expérimenter
« la posture du créateur d’une oeuvre dont
le sens se cristallise dans la manière dont les visiteurs
du réseau s’en emparent pour la transformer, pour
lui donner vie en quelque sorte. L’artiste devient auteur
d’une « situation proccesuelle » beaucoup plus
qu’une œuvre aboutie. L’œuvre se constitue
alors dans le mouvement des appropriations successives. »
Quel droit pour une toile dont l’auteur n’est par
manifeste ? Qui va protéger ses œuvres originales
de l’esprit si ce n’est le droit d’auteur?
Si le droit concernant les droits d’auteurs et la propriété
intellectuelle ne peut s’appliquer à ces toiles numériques,
existe –t’il un droit qui peut s’appliquer à
elles ?
Jacques Lang s’est positionné mais jamais trop, dans
le débat de la place de l’auteur et du copyright
en disant qu’ « Il appartient maintenant aux décideurs
publics de protéger les droits d’auteurs et de combler
les vides juridiques, propices à toutes les dérives.
Favorise la création, c’est aussi offrir un cadre
ou le droit défend les libertés. » Pourquoi
pas ?


Ce
qu’il faut savoir c’est que ces œuvres numériques,
changent non seulement les procédures formelles et avec
l’utilisation de nouveaux moyens techniques, comme ceux
de l’informatique, « c’est la nature même
de l’oeuvre tel qu’il était entendu dans la
tradition des arts plastiques. La différence s’établit
dans la « matérialité » de l’œuvre,
sa genèse, sa structure, son mode d’appréhension,
sa relation participative au public, sa reproductibilité
sans limites, ses possibilités de diffusion instantanée
par les réseaux à l’échelle planétaire.
»
Vers
une nécessaire re-définition : face à l’arrivée
des technologies, le monde de l’art à besoin de se
mettre à la page du jour et de se redéfinir. finalement,
les NTIC apportent sur leur chemin des pratiques inédites.